samedi 7 mai 2022

Glissements et nouveautés

 J'ai, dans mon métier d'archiviste, l'occasion de pratiquer le français du XVIème siècle, et c'est un continuel étonnement. D'abord parce qu'il faut parvenir à percer les mystères de la graphie puis de l'orthographe variable et approximative ; ensuite parce que certains mots ont disparu ou changé de sens.

Hier, je suis tombé sur un terme assez singulier : pour réparer les fortifications de Mâcon, les échevins avaient fait appel à des... "gagnedeniers" (écrit "gaigne", ce qui fleure bon l'accent québécois, je trouve). Il s'agissait de gens employés pour leur force physique et dépourvus de tout métier. "Des bras", dirait-on aujourd'hui (ou "des intérimaires", comme m'a suggéré une femme d'esprit !)

J'ai été plus décontenancé par la construction d'une "sentinelle" sur l'une des tours... une fois chassées les images parasitaires de mannequins XXL dressés sur les remparts, j'ai effectué quelques recherches et découvert qu'à cette époque, le terme désignait l'endroit de la surveillance (la guérite, en somme) et non la personne : il y a donc eu glissement sémantique de la fonction au sujet.

C'est un peu la même chose (quoi que dans l'autre sens) avec le mot "arène" : désignant au départ le sable sur lequel s'affrontaient les gladiateurs (le terme existe d'ailleurs toujours en géologie et se conserve en espagnol, par exemple, "sable" se disant "arena"), il en est venu à caractériser le bâtiment érigé autour du sable...

Dans le même ordre d'idées, on ignore souvent que le "malotru", cette personne détestable aux manières grossières, était jadis un "mal astru", c'est à dire un individu né "sous une mauvaise étoile". Une victime de l'astrologie, en fait...

Aucun commentaire: